vendredi 21 décembre 2012

Inégalités linguistiques

L'aménagement linguistique de toute organisation humaine est loin d'être une simple affaire de "pragmatisme de communication". C'est une affaire de rapports de domination. Celui qui peut parler sa langue maternelle sera toujours en position favorable face à ceux pour qui elle n'est qu'une langue seconde.

Les États européens devraient promouvoir leurs langues de manière beaucoup plus active, à commencer par chez eux. C'est particulièrement vrai aux pays qui parlent des langues qui peuvent prétendre à un statut international (français, espagnol, portugais), mais c'est vrai des langues de toute taille. Je crois d'ailleurs que la pratique assurée de sa propre langue est un facteur primordial de confiance collective. 
Le tout-à-l'anglais est un facteur de dévalorisation de des peuples et des individus non anglophones, qui se voient sans raison valable périphériser ou provincialiser, linguistiquement, mais aussi de façon plus large culturellement. L'exemple parfait est la gestion macroéconomique des 20-30 dernières années, fondée essentiellement sur les dogmes économiques propagés par des revues anglophones (ex. The Economist). 
Il n'en tient pourtant qu'à nous de penser par nous-mêmes.

Qu'on songe aussi à ces études démontrant, dans une entreprise allemande, que les ingénieurs allemands ne s'exprimant pas dans leur langue (devinez laquelle) osaient moins fréquemment faire part de leurs idées en réunion du simple fait de la barrière linguistique. À trop pousser l'usage de l'anglais dans ces entreprises, on fait porter la sélection moins sur la compétence professionnelle et plus sur la compétence linguistique - natale - ce qui peut tendre à renforcer la sélection de personnes unilingues relativement moins compétentes face à d'autres plus compétentes et - modérément - bilingues... Une prime au moins-disant ! Le monde à l'envers !

En matière de langues, nous devrions d'un côté, promouvoir nos propres atouts (la francophonie, mais aussi les ensembles linguistiques "amis" comme l'hispanophonie ou la lusophonie) et non seulement ceux des autres (ex. cursus en anglais dans les universités), a fortiori ceux qui de plus tendent à s'opposer aux nôtres. Faut-il s'étonner de connaître des difficultés lorsqu'on n'essaie même pas de réussir ? L'autre piste, c'est de diversifier grandement l'exposition aux langues étrangères. Pourquoi pas alors des cursus en espagnol ? En chinois ?

Le tout-à-l'anglais mène à une vision étroite du monde. On n'est pas "international" par le seul fait d'être anglophone. Au contraire, les pays anglophones étant ouverts aux individus, mais peu ouverts aux autres langues et aux produits culturels qui leur sont liés. C'est le multilinguisme (pas nécessairement dans la même personne, mais socialement parmi une certaine élite) qui permet une vision équilibrée, ouverte, diversifiée et respectueuse des autres et de soi-même...

Dans le cas du français, l'une des pistes est la solidarité avec les autres pays de langue romane. Il faut encourager leur apprentissage, rapide au demeurant et s'assurer que dans la mesure du possible, toute interaction économique, politique ou académique un tant soit peu officielle se fasse prioritairement dans une langue romane au moins.  Pour être une langue de communication internationale, il faut en favoriser la pratique à ce niveau...

Les rapports de force, qu'ils soient économiques, politiques, linguistiques ou culturels (ou tout à la fois) ne sont pas toujours aisément modifiables. Mais une chose est sure : ce n'est pas en organisant son propre déclassement et en se dévalorisant qu'une collectivité humaine se construit un avenir prospère. Et dans un monde où de nombreux pays ou région tente de tirer son épingle du jeu, il faut bien sûr coopérer mais aussi défendre ses intérêts sans défaillir. Ceux qui ne l'auront pas fait ne pourront pas ensuite s'étonner de leur insuccès.

mardi 13 novembre 2012

Nation

L'espèce humaine étant une espèce sociale, chaque être humain, tout en disposant d'une identité individuelle, s'insère aussi dans un groupe, une collectivité d'humains, voire plusieurs selon la définition, avec laquelle il entretient des rapports plus ou moins étroits. 

A niveau collectif, famille, ville, associations, intérêts, langue, perspective philosophique ou religieuse servent de repères identitaires. Mais l'un de repères majeurs qui a émergé au cours des derniers siècles (et même avant dans certaines contrées) est sans conteste la nation. La nation est le fondement du corps politique moderne, et est très souvent concomitante à la démocratie. Nous verrons que nous pourrions la définir comme un fondement et même à partir de sa viabilité démocratique, à partir d'une définition fonctionnelle de la nation. Honnêtement, cette définition n'a rien de révolutionnaire, et une recherche que je viens de faire à l'instant montre que le terme déjà, mais je ne suis pas sûr qu'il fasse référence à la même chose (lorsqu'on le cherche on trouve des références au sociologue tchéco-germano-américain Karl Deutsch).

Définition fonctionnelle de la nation
Rentrons donc dans le vif du sujet : à quelques exceptions près, les démocraties correspondent à des nations ou au moins à des États contenant ce qu'on pourrait appeler une majorité nationale. À l'inverse, les États multinationaux semblent instables et prompts à l'éclatement, tiraillés par des tensions internes. L'exemple le plus typique en est peut-être l'Union soviétique dont la démocratisation et l'éclatement en ses diverses composantes nationales se sont effectuées d'un seul et même mouvement.
Les atermoiements actuels de l'Union européenne, et de la zone euro en particulier, ont aussi grandement à voir avec les différences nationales. Le Canada lui-même, pays prospère et globalement fonctionnel, demeure tiraillé par les tropismes distincts de ce qu'on peut appeler ses nations fondatrices.

L'idée de base de la démocratie électorale actuelle est que c'est la majorité qui décide. Cela implique qu'à chaque scrutin, une minorité accepte. Cela implique aussi, dans les décisions gouvernementales, et particulièrement du point de vue fiscal, que des transferts de richesses soient possibles entre certains membres d'une nation.
La nation est donc un groupe au sein de laquelle la minorité accepte la légitimité des décisions majoritaires.


Quelle nation ?
La nation moderne est, idéalement, même si ce n'est pas encore le cas partout, civique et non ethnique. Ses membres, ou citoyens, sont porteurs d'un lien national indépendant de leurs origines personnelles, ethniques, de leurs convictions philosophiques ou religieuses (là encore, pas partout). Elle a la capacité d'accueillir de nouveaux membres par la naturalisation et, idéalement favorise plutôt le droit du sol.
C'est un lien culturel, fondamentalement, et non pas ethnique. Certains diraient un lien mimétique plus que génétique.
Elle ne s'oppose de plus pas à sa propre diversité interne. Le jacobinisme français est une variante, certes ayant valeur d'exemple historique, mais est loin d'être le seul. En principe, il n'existe pas d'opposition absolue entre appartenance nationale et identité régionale forte.

La nation permet l'affrontement politique plutôt qu'identitaire
Une nation est un ensemble au sein duquel les conflits sont politiques plutôt qu'identitaire. Loin des images de rejet et de séparation et autres tares que voudraient lui faire congénitalement porter certains, la nation démocratique est une organisation permettant de faire coexister des individus et/ou des groupes différents. D'ailleurs, on peut dire que le lien national est l'un des liens nécessaires et minimaux, dans bien des cas, à l'époque moderne, permettant de faire cohabiter des gens différents.

Les élections font ressortir de nombreux blocs régionaux dans de nombreux pays. C'est particulièrement vrai en France, ou le Bassin parisien s'oppose à la périphérie de la France (Bretagne et Ouest intérieur, Alsace, Occitanie) depuis des siècles, de la Révolution jusqu'au référendum de 2005. Ces oppositions, malgré certaines tensions locales, se vivent comme des tensions essentiellement politiques plutôt qu'identitaires.

La limite n'est quelquefois pas très bien définie. Par exemple, au Canada, de nombreuses politiques du gouvernement fédéral sont contestées par le Québec, y compris sa Constitution dans sa dernière mouture, mais la fédération continue néanmoins à fonctionner, avec ses hauts et ses bas, au gré des gouvernements se succédant. Il ne fait toutefois aucun doute que le fondement de ces tensions est la réalité nationale canadienne et québécoise, et une difficulté de certains au Québec d'accepter la légitimité de certaines décisions fédérales, voire sa légitimité tout court, et non pas de simples différences de sensibilité politiques.

Fédération européenne ?
C'est toute la différence entre la nation et une hypothétique fédération européenne que d'aucuns nous proposent, au sein de laquelle des oppositions politiques coïncideraient plus souvent qu'à leur tour avec les identités nationales, provoquant des chocs politiques et économiques intenses, comme ceux que nous voyons à l’œuvre au sein de la zone euro, ou certaines nations, dominées du système, comme la Grèce, voient leur niveau de ressentiment à l'égard de leurs partenaires monter, notamment l'Allemagne. Les Allemands rechignent, eux, à payer pour les autres. Allemands de l'Ouest n'ont pourtant pas eu trop de mal à dépenser des milliards de marks pour la reconversion économique de l'Est. Solidarité nationale oblige.

On peut toujours pleurnicher en criant "mais euh, les égoïsmes nationaux, tout ça", mais qu'est-ce que ça change ? Les identités nationales (et autres) sont de lents produits de l'Histoire, on ne les décide pas en quelques années à coups de traités...

Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'association entre nations. Des tas de choses marchent bien dans l'Union européenne : marché unique (à revoir pas endroits), espace Schengen, liberté d'établissement pour les citoyens des pays concernés, coopérations industrielles (ou ce qu'il en reste). Mais il s'agit de confédéralisme plutôt que de fédéralisme.

L'un des seuls contre-exemples auxquels on peut penser est l'Inde (elle-même d'ailleurs traversée par de très nombreux courants identitaires - à commencer par le Mouvement dravidien, au Sud). C'est un cas sur lequel il faudra se pencher un jour. La Suisse est souvent citée, il faudra aussi y revenir.

La nation cause-t-elle la guerre ?
François Mitterrand a un jour déclaré, dans les années 1980, au Parlement européen, que "le nationalisme, c'est la guerre", avec corollaire implicite que seule l'Europe supranationale pouvait nous en sauver. Cela semble résulter d'une malencontreuse confusion entre nation et nationalisme, la première étant une collectivité d'individus, la seconde une idéologie. D'ailleurs, les nations démocratiques ne se font pas la guerre, mais coopèrent à divers degrés. De nombreux conflits impliquent des identités nationales, mais ne sont pas portés par des entités irréprochablement démocratiques. D'autres naissent du fait de la négation de réalités nationales. On analyse par exemple souvent la dislocation de l'Union soviétique, outre la décrépitude du régime, par le réveil des nations la composant.

La nation fermée ?
Il existe des nations fermées, mais on ne voit absolument pas pourquoi le fait de constituer une entité autonome du point de vue politique (et très souvent, culturelle, linguistique et économique à divers degrés) impliquerait nécessairement une fermeture. Les nations commercent. En Europe, les gens circulent librement dans un espace d'États-nations s'accordant mutuellement de nombreux privilèges et ayant renoncé aux contrôles aux frontières entre eux.
Immigration
Pour les pays qui ont l'habitude d'accueillir des gens de l'extérieur, la nation est la condition sine qua non de l'intégration. C'est un point crucial et pourtant très souvent oublié. En France, les "débats" sur l'identité nationale, guidés par l'ancien gouvernement, qu'il semblait opposer implicitement à l'immigration, n'en ressortent que plus faux après une réflexion sur ce sujet.

La nation est un lien partagé par des individus, voire des collectivités dans certaines d'entre elles. Elle est un point de convergence. Elle est ce qui fait qu'un individu peut se considérer comme français ou québécois ou canadien (laissons de côté la petite complexité des deux dernières) et non comme blanc, noir, bleu, de telle religion au autre d,abord. Bien sûr, on est aussi tout cela à la fois, mais sans lien national, dans la société, on serait juste cela. Une société qui met implicitement l'accent sur l'origine ethnique de ses membres comme facteur d'identification, même tolérante, est-elle véritablement progressiste ? C'est parce qu'ils ont pu être français que des millions d'immigrants en France ont pu être plus que bleus, verts ou autre. Même chose aux États-Unis, d'ailleurs. C'est un facteur rééquilibrant d'égalité la ou d'autres facteurs seraient source de différence et potentiellement d'inégalité.

C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles l'opposition établie par certains entre nation et capacité d'intégrer est toute fausse. L'intégration est promue par une identité forte. À mon avis, plus une nation croit en elle-même, plus elle accroit sa capacité d'attraction et d'intégration. Il est difficile de s'intégrer à une collectivité qui ne croit pas en elle-même ou s'autodénigre en permanence. La confiance attire.
En France, cas d'école en la matière, travaillée par les déclinologues depuis la fin des Trente Glorieuses (en fait, peut-être même depuis la fin de l'ère de Gaulle), on se plaint par exemple que le "modèle d'intégration" ne fonctionne plus, que c'est ce qui cause la fragilisation de l'identité nationale et autres maux...
Mais ne serait-ce pas plutôt l'inverse ? Ne serait-ce pas plutôt la crise de confiance en la nation qui cause des problèmes d'intégration (ça et le chômage, l'une des causes de la crise de confiance).

Confiance en soi : un bien pour la nation
On l'a vu plus haut, la confiance est un bien pour la nation. Elle permet d'intégrer les nouveaux venus et d'assimiler complètement leurs descendants.

Mais elle permet aussi les choix politiques. Si la politique est l'art du possible, la nation démocratique peut décider tout ce qui est possible. Elle n'est pas forcée d'être en mode pilotage automatique, sous la supervision d'instances internationales plus ou moins légitimes.

Les nations européennes mènent des politiques similaires depuis des années avec un sujet très mitigées. La zone euro, l'un des résultats de ces politiques, est poussée aux limites de sa cohésion.

Elle est aussi à mon avis un facteur de confiance pour les populations. En effet, dans des nations fortement laïcisées, la nation est l'une des seules structures assurant une certaine permanence de l’œuvre humaine. Bien sûr, au plan individuel, ce désir de permanence peut s'exprimer par la famille, l'art, le travail et tant d'autres choses, mais le reflux des religions organisées, positif sous de nombreux aspects, n'en laisse pas moins un vide métaphysique au niveau collectif. C'est d'ailleurs un point sur lequel nous reviendrons plus tard.

Voilà, j'ai déjà trop écrit... À suivre, donc !

samedi 3 novembre 2012

La pensée toddienne (1)

Je commence ici une série de quelques articles. J'ai l'intention de m'attaquer un peu plus tard à quelques séries sur l'identité et la nature des nations, la linguistique, l'architecture institutionnelle de l'Europe, et peut-être aussi un peu de spiritualité laïque pour agrémenter le tout. 

Ceci doit être le premier d'une série de messages exposant de manière succincte la pensée d'Emmanuel Todd. Emmanuel Todd, français, historien de formation (doctorat obtenu à l'Université de Cambridge), est aussi décrit comme anthropologue, démographe, politologue, prophète (!), et autres selon la quatrième de couverture de ses livres est connu de beaucoup en France pour ses coups de gueule, ses prises de position quelquefois à l'emporte-pièce (ou perçues comme telles) et souvent à contre-courant. Il s'est fait connaitre dans sa jeunesse après la publication de son premier livre La Chute finale, qui annonçait avant l'heure l'écroulement de l'Union soviétique. C'est parce que ces prises de position ne sont transparentes qu'à ceux qui connaissent son œuvre et ses livres. Difficile de résumer la pensée d'une carrière de chercheur en quelques entrevues !

Mais la pensée toddienne est en effet particulièrement riche à mon sens, et contribue de manière tout à fait singulière à la compréhension du monde moderne ! Les recherches et les livres d'Emmanuel Todd, se fondant essentiellement sur des analyses anthropologiques et démographiques, débordent très souvent de ces domaines et embrassent la politique, l'économie, etc. D'une très grande culture générale, je le considère comme un ultragénéraliste, un macropenseur, à même de synthétiser des sommes colossales d'informations (son dernier opus, L'Origine des systèmes familiaux, tome 1, étant particulièrement édifiant en la matière - mention spéciale aussi pour L'Invention de l'Europe, 1990). Ses théories, étayées par ces montagnes de données, l'éclairent sur les trajectoires possibles de l'avenir. 

La majorité de ses "prédictions", n'apparaissent donc pas dans une boule de cristal, mais en supposant la permanence de certains phénomènes dans le temps et dans l'espace (dans une certaine mesure, puisqu'en sciences sociales les changements sont rarement très nets).

Cette attitude tend d'ailleurs à réintroduire un certain déterminisme dans la perception de l'histoire qui a pu en déranger certains. Mais il ne faut à mon avis pas avoir peur : l'avenir a, par le passé (je sais...), toujours très bien su nous réserver surprise sur surprise. Il n'y a par contre rien de choquant à mon sens de penser que nombre de processus sociaux existent à l'intérieur de paramètres perceptibles et mesurables.

Voyons ci-dessous quelques-unes des caractéristiques principales de la pensée toddienne.

1. Une pensée spatiotemporelle
Emmanuel Todd a un amour immodéré des cartes. L'une de ses spécialités, comme on le remarque facilement en feuilletant ses livres, et comme il le reconnait lui-même dans l'un d'eux, est l'analyse du déroulement des évènements dans l'espace. C'est cette combinaison qui lui permet de mettre en lumière des corrélations surprenantes, dont l'une des plus importantes est bien sûr celle qui existe entre espaces anthropologiques et idéologiques. Notons aussi l'attention particulière apportée au processus de diffusion (par exemple l'alphabétisation) dans l'espace. C'est en quelque sorte un géohistorien.

2. Une attitude quantitative
L'analyse toddienne est, depuis le début, porté par les chiffres et l'analyse statistique. Qu'il s'agisse d'éplucher des recensements ou d'analyser des statistiques officielles, coefficients de corrélation, petits tableaux et autres ne sont jamais loin pour faire apparaitre la réalité. Les résultats des travaux d'Emmanuel Todd ont souvent un aspect qualitatif, mais ses livres ont plus souvent qu'à leur tour une saveur quantitative.

3. Pluridisciplinarité
La perspective "macro" implique souvent de déborder de la démographie et de l'anthropologie, pour aller voir l'économie, la politique, la linguistique, voire même la culture populaire.

4. Commentateur à tous les temps
La pensée toddienne est bien sûr historique, mais M. Todd n'hésite jamais à commenter le présent, et même l'avenir. Je pense que c'est ce qui l'amène souvent à commenter la politique et l'économie actuelles, car le présent ne peut être que le résultat du passé, et les régularités trouvées dans ce passé ne peuvent qu'éclairer ce qui suit. Le présent est aussi une grande expérience permettant de valider ou d'invalider des hypothèses.

Note sur le style
Emmanuel Todd écrit mais est aussi interviewé. Toutefois son style oral est quelquefois difficile à suivre comme il l'a lui-même fait remarquer il y a un ou deux ans de ça lors d'une émission d'Arrêt sur image. Le mécanisme et le fond de sa pensée se trouvent bien plus dans ses livres que dans les entrevues. Il faut souvent avoir lu les livres pour comprendre les entrevues.

Et voilà, petite intro trois fois plus longue que prévu. À suivre...

jeudi 26 juillet 2012

Graphie réformée du français (1)


Ceci n'est qu'une ébauche de ce qui pourrait se faire en matière de régularisation orthographique du français. Je n'y crois toutefois pas trop moi-même... 

I. Présentacion

Le but de la réforme ortografique est d’amener la grafie du français à être plus sistématique qu’elle ne l’est aujourdui par l’extension, le plus possible, de sa logique interne préexistante.
Je pose les conditions suivantes à la réussite de toute réforme ortografique (même si c’est sans trop y croire).

1. La grafie du français ne peut en aucun cas être parfaitement fonétique ou fonémique.
La raison principale en est que l’évolution fonétique historique naturelle du français l’a mené à de nombreuses élisions, notament de consones finales, qui génèrent de nombreus homofones, qui doivent absolument toujours pouvoir être distingués à l’écrit.

De plus, cette évolution fonétique a doné à notre langue ce qui s’apèle en lingüistique un sandhi, à savoir des fénomènes d’interaccion aus frontières des mots, que nous nomons liaisons. De nombreuses liaisons sont obligatoires en français (les autres), et encore plus sont courantes dans le langage soutenu. Les francofones ne doivent en aucun cas confondre le vert avec le ver ou autres verres.

2. La logique interne du français doit être préservée
Les francofones ne doivent pas avoir à réaprendre à écrire, ou pire, à lire, ce serait une perte de temps. L’une des règles cardinales du français et qui sera préservée est l’amuissement de la consone finale, ou des deux dernières consones selon le cas (verts = « ver »). Les voyelles resteront elles aussi la plupart du temps inchangées, à la fois pour des raisons d’homofonie et pour d’autres, exposées plus bas.

3. Certaines incohérences doivent être corigées
Au cours de l’histoire, nombreuses incohérences se sont introduites dans la grafie de la langue. Certaines sont irréductibles, alors que d’autres ne peuvent être décrites que comme de regrettables erreurs. Par exemple, les x du pluriel… Dérivés d’une contraccion à utilisée à l’écrit du l et du s, qui terminaient de nombreus mots (notament par vélarisacion du l – un journal, des journaus), ce x n’a aucune valeur, ni étimologique, ni fonétique (il se comporte come un s en fin de mot). Nous parlerons donc des nombreus journaus sur les genous.

Dans certains mots comme chois, cela aura pour effet de racorder la mots de la même famille (choisir ; voir aussi heureus - heureusement).

Aussi, dans ce même esprit, j’adopte les Rectificacions ortografiques de 1990, à moins qu’elles ne s’écartent des règles édictées ci-dessous.

4. Aucun changement de prononciacion n’est ocasioné par la réforme
Le français, l’une des langues européennes écrites depuis le plus longtemp, possède une grafie conservatrice. Il me semble que certaines langues codifiées plus réçament ont pu adopter une grapfie plus cohérente en raison du fait que leur prononciacion au moment de la codificacion était plus proche du parler moderne. Quoiqu’il en soit, historiquement, c’est la grafie qui suit la fonétique à petits pas, et non l’inverse.

5. Les règles gramaticales restent identiques, pour l’essenciel
La gramaire n’est pas afectée par ces rectificacions, qui ne sont qu’ortografiques. Quelques changements seront toutefois faits par cohérence avec les autres évolutions. On aura notament je peus et je veus.

6. Lien avec les autres langues romanes
Bien que l’évolucion fonétique du français ait été importante par rapport à ce qu’elle a été dans la plupart des autres langues romanes, leur grafie généralement racionalisée par rapport à celle du français ne peut être qu’une source d’inspiration. Que nos seurs latines aient parcouru un chemin similaire ne peut que nous éclairer dans notre quête (que de grands mots) d’un peu plus de cohérence. Les deus autres langues romanes occidentales principales (c’est-à-dire celles qui forment leur pluriel en s), le castillan et le portugais, sont ici prises explicitement come sources d’inspiration. De nombreus principes ortografiques de ces langues sont transposables au français, et c’est ce que nous ferons. Cela aura donc pour effet colatéral agréable de raprocher la grafie du français de celle des deus langues romanes les plus importantes au monde (démografiquement). Cela se manifeste entre autres dans le chois d’éliminer des « lettres grèques » (qui ne le sont pas, ce ne sont que des translitéracions) et dans le chois de transformer les mots en –tion en –cion (voir le –ción espagnol et le -ção portugais).

Partie 2

mercredi 25 juillet 2012

Ĉu la (ne)perfekteco de Esperanto gravas?


Multe da homoj diras, ke esperanto ne estas perfekta kaj estas plibonigebla.

Ili pravas. Mi ankaŭ ŝatas aliajn planlingvojn, kiel Interlingvao kaj Nova Lingvafrankao.
Estas multe da trajtoj de Esperanto, kiuj plibonigeblas (kaj ofte oni jam proponis ke ŝanĝu):
  • La akuzativo (forigi ĝin aŭ nedevendigi ĝin)
  • La ĉapelitaj literoj
  • La vortaro povus pliraciiĝi (eble...)
  • La lingvo povus ŝajni pli nature (almenaŭ por Eŭropanoj – sed tio tute ne objektivas)
  • Ni povus kunigi la –e kaj la –a vortojn en nur unu kategorio.
  • Pli radike: ni povus uzi precipe bazvortojn (radikojn) kun nur malmulte da pre/sufiksoj (kiel en Nova Lingvafrankao).
Sed tio tute ne gravas.
Gravas pli, laŭ mi, ke:
  • Esperanto, kaj nur ĝi, havas komunumon. Homoj uzas ĝin!
  • Ĝi estas ĉiumaniere multe pli facila ol naciaj lingvoj.
  • Ĝi estas jam kaj delonge uzita kiel lingvafrankao egaleca!
Kaj tio ja gravas!

Strategio por disvastigi Esperanton

Se ni volas aldoni en la internacia komunikada sistemo iomete da justico, komuna kaj neŭtrala lingvo (diru ni pli bone “egaleca”) estas ege dezirenda.

La varbulintoj de Esperanto ĝenerale kmonence pensis, ke la lingvo devu anstataŭi ĉiujn (aŭ kvazaŭ ĉiujn) naciajn lingvojn kiel internacia komunikilo.

Bedaŭrinde (aŭ eble male), tio ne okazis kaj hodiaŭ la anglan lingvo ĉefinfluas internacie. Registraroj bedaŭrinde ne ege interesiĝas pri la temo de internacia komunikado (krom ĝi gravegas ekonomike, politike kaj simbole – lingvoj estas potenciloj) kaj ne faris multe por varbi iun solvon dum la 20-a centjaro.

Sed laŭ mi ekzistas iomaj agoj fareblaj por provi ŝanĝi la nunan situacion. Ni devus enkonduki Esperanton kiel nova plia lingvo, latere al la naciaj lingvoj, kun ligataj lingvaj servoj, kiel tradukistoj, ktp.

Do homoj, kiuj kredas je lingva egaleco kaj la kontestado de la hodiaŭa unulingva politiko povus esprimi sin esperante, celante dumaniere:
  • Ili videble ne parolus la “imperian” lingvon.
  • Ili uzus veran internacian lingvon, kaj ĉi tiel ne atakiĝiblus kiel varbuloj de sian propran lingvon.
Ekzemple, en la Unitaj Nacioj, Esperanto iĝus la sepan oficialan lingvon, kaj uzebliĝus per ĉiuj, kiuj ne volus uzi naciajn lingvojn.

Mi ankaŭ kredas ke, nuntempe, se la franclingvaj landoj uzus almenaŭ iomete da Esperanto kaj iomete malpli da franca (kaj ne alia), la franca lingvo fortiĝus iomete. Ĉiuj lingvoj kaj kulturoj spirus iomete pli.